La classe virtuelle a-t-elle des vertus ?
À marche forcée, la classe virtuelle est entrée dans le quotidien des acteurs de l’éducation, et avec elle des outils numériques dont l’usage était jusqu’alors plus irrégulier et plus modeste. Après dix mois d’une crise sanitaire dont on espère entrevoir l’issue, qu’en est-il ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce cette expérience que nous avons partagée, professeurs, élèves, auteurs, éditeurs, parents ? L’article ci-dessous, synthèse d’articles et de témoignages que nous avons regroupés dans ce dossier, est à compléter par les lectures proposées dans des liens, au fil des paragraphes.
Mars 2020 : un tournant dans l’histoire de la pédagogie
À la veille de la réforme des lycées, alors que rien n’empêchait les humains de se rapprocher les uns des autres et même de se réunir dans un lieu clos, 5 régions sur 13, soit plus du tiers, ont fait le choix de manuels et d’outils numériques. Une révolution comme le montre le rapport du Cnesco datant d’octobre 2020. Ce n’était rien cependant comparé à ce qui nous attendait. Avec l’arrivée en fanfare d’un Coronavirus plus méchant que les autres, il a fallu d’un coup tout dématérialiser : les livres, les outils, les professeurs, les élèves. En quelques heures, on a cherché et créé des classes virtuelles, imaginé des cours et des exercices, inventé de nouveaux mots comme « présentiel » et « distanciel ».
Et puis mai est arrivé, on s’est retrouvés, et on est repartis dans le tourbillon de la vie, comme si tout était fini. C’était sans compter sur un certain entêtement du virus, qui a contraint à un second confinement, et à nouveau des menaces sur le fameux « présentiel » qui s’est transformé au lycée en « hybride ». Même pour ceux qui ont retrouvé le chemin de l’école ou du collège « en vrai », l’idée d’avoir à devenir le professeur d’une classe virtuelle n’est désormais jamais très loin.
Une créativité qu’il faut saluer
Au début du premier confinement, face à la saturation et aux dysfonctionnements des plateformes officielles, chacun a recherché l’outil qui lui convenait le mieux. Certains ont préféré aller là où les lycéens se trouvaient déjà, comme le réseau de jeux Discord, ou des applications certes assez peu protégées mais qui avaient une grande souplesse d’utilisation. D’autres ont fait le choix de réaliser des vidéos qu’ils envoyaient dès potron minet à leurs élèves, ou de déposer des exercices dans des documents partagés.
Sans sous-estimer la frustration d’avoir perdu l’expérience physique du cours, loin de considérer l’enseignement à distance comme une panacée, il serait toutefois dommage de revenir à la case départ en faisant l’impasse sur cette expérience inédite. Des enseignants témoignent de leur vécu de cette expérience inédite, révélant à quel point il a fallu redoublé de créativité et d'adaptabilité pour garder le lien avec leurs élèves.
Retour sur investissement
On ne peut pas raisonnablement reprocher à l’institution son impréparation. Même avec beaucoup d’imagination, personne n’aurait pu concevoir à l’avance une situation comme celle du confinement, qui relève davantage de la dystopie que du cours normal du temps. Mais notons qu’à la faveur de la crise sanitaire, le ministère s’est enfin doté d’un média audiovisuel digne de ce nom, Lumni, un petit siècle après l’invention de la télévision. Marie-Astrid Clair, professeure agrégée de lettres modernes et enseignante au collège, nous a d’ailleurs raconté la genèse de Lumni.
Pour le reste, en l’absence de cadre, chacun a tissé sa toile un peu comme il l’entendait. La plupart des professeurs que nous avons rencontrés ont tenté des tas de choses. Aucun n’en a été pleinement satisfait, mais tous en retirent des enseignements. Ce peut être une réflexion sur l’usage des QCM, qui seraient bien loin de leur réputation accablante d’exercices pour les nuls. La NRP a consacré un article à la redécouverte des QCM en lettres.
Ou encore une analyse très intéressante, « Quand le distanciel interroge le présentiel » faite par de jeunes professeurs de ce que leur a apporté la préparation des cours en visioconférence : beaucoup plus de soin dans le choix des documents, des utilisations inattendues du chat … quand l’écran qui se transforme en miroir révèle ce qu’on ne voit pas toujours, parce que la classe et les interactions multiples qui s’y jouent font écran, justement.