1916 - 1945

Expansion et préservation

Fernand Nathan appelle auprès de lui son fils, Pierre. Son arrivée marque un essor considérable de la Maison entre les deux guerres mondiales.

Portrait de Pierre Nathan, fils de Fernand Nathan

L’innovation au cœur de l’expansion

Né en 1892, Pierre Nathan a fait de solides études littéraires et de nombreux séjours d'étude à Leipzig, capitale européenne de l'édition à l'époque.

Il entre chez Nathan après avoir reçu la Croix de Guerre, la médaille de Verdun et la Légion d'Honneur.

Il va lancer les jeux éducatifs Nathan tout en développant également les revues pédagogiques et les collections pour la jeunesse. Pendant ce temps, son père, Fernand, multiplie les succès dans le domaine des manuels scolaires.

 

Éditeur avant-gardiste et progressiste

Les nouvelles lois de Jules Ferry donnent l’occasion pour Fernand Nathan de concevoir pour les élèves de nouveaux livres conformes aux programmes récemment parus. En même temps, il commence à publier des ouvrages pour les Ecoles Normales, destinés aux jeunes maîtres qu’il s’agit alors de former selon le nouvel esprit de l’époque.

Fernand Nathan sera également un acteur important de la rénovation de l'Enseignement Primaire mise en œuvre sous la direction de Ferdinand Buisson. Ainsi, la publication d'ouvrages simples et novateurs va faciliter le travail des maîtres comme le développement de méthodes souples et vivantes venant remplacer les méthodes mécaniques pratiquées jusqu'alors.

Le Bambouchi, jeu éducatif Nathan
Constructions avec cubes et briques
Frisquettes, jeu éducatif Nathan
Les Gobelins, jeu éducatif Nathan
Loto des couleurs, jeu éducatif Nathan

Apprendre par le jeu et la joie !

Pierre Nathan qui a rejoint son père au sein de la maison d’édition en 1919, s’attache tout particulièrement au développement des  « jeux éducatifs ». En créant cette appellation, il propage dans les écoles le concept «d’éduquer en s'amusant»". Ces jeux qui stimulent la mémoire, l’habileté et l’intelligence préparent à l’effort intellectuel que les enfants auront à faire plus tard pendant leurs « études sérieuses ».

Ces nouveaux modèles de jeux resteront longtemps un monopole Nathan, contribuant à affirmer la notoriété de l’entreprise et à imposer son image novatrice. Les jeux éducatifs Nathan connaîtront tout d'abord un grand succès dans les écoles maternelles avec notamment le "loto des couleurs", les "dominos des fleurs", le "loto des animaux".. .

Ces jeux éducatifs trouvent naturellement leur place aux côtés du matériel créatif et vivant déjà lancé par Fernand Nathan. Pierre Nathan les développe également en s'entourant de nombreux artistes qui créent des frises, des tableaux muraux et des images décoratives, colorées et instructives. Face au savoir acquis dans la douleur, Nathan préfère la connaissance engendrée par le jeu et la joie.

Une méthode de lecture est lancée : «En Riant ?» On cite Montaigne en couverture du «catalogue» «jeux» : « les jeux ne sont pas jeux mais bien les plus sérieuses actions des enfants ».

Les nouveaux moyens de transmission du savoir

Nathan : comptoir de l’éducation

De maison d’édition traditionnelle, sensible aux enjeux de l’époque en matière d’éducation et d’enfance, Nathan devient un comptoir d’éducation et trouve ses meilleurs « ambassadeurs » chez les instituteurs et les inspecteurs d’Académie.

Nathan propose « toute fourniture indispensable à une école » (du clé en main) et parallèlement étend le marché de l’élève à l’enfant et à sa famille.

Pierre Nathan saisit l’air du temps et réalise que face à l’évolution des technologies l’éditeur scolaire ne doit pas seulement s’en tenir au support papier et aux livres . Les nouveaux supports de l’image et de la parole se révélent parfois mieux adaptés à la transmission du savoir.

Dès lors, Nathan fort de sa réputation, commercialise sous sa marque ou associe son nom à des produits fabriqués par d’autres : mobilier, compendiums métriques et scientifiques, microscopes, articles de bureau, machines à écrire, bustes de Marianne et de Pasteur, postes de T.S.F, appareils photographiques et de projection, phonographes…

Ateliers Nathan de la rue Méchain à Paris et de Châtillon en 1939
ZOOM

L’expansion de Nathan

Ateliers Nathan de la rue Méchain à Paris et de Châtillon en 1939

Vite à l’étroit dans les locaux de la rue des Fossés-Saint-Jacques, les Editions Nathan, à l’exception du magasin de vente au détail sont transférées en 1926 au 9, rue Méchain, acquis en 1921 par Pierre Nathan et partiellement occupé dès 1922 par l’exposition des jeux éducatifs. En 1928, la fabrication des jeux s’installe aux ateliers de Châtillon. La vente au détail est quant à elle transférée rue Monsieur-le-Prince en 1933.

 
Littérature jeunesse Nathan : Contes persans de Jules Dorsay
Littérature jeunesse Nathan : Contes et légendes de Pologne de Julie Laguirande Duval
Littérature jeunesse Nathan : Contes et légendes de Corse
Littérature jeunesse Nathan : contes et récits tirés de l'Énéide
Littérature jeunesse Nathan : Georgie apprend à lire

L’essor de la littérature jeunesse

Pierre Nathan œuvrera également au développement des productions du département de la littérature pour la jeunesse. D’une quinzaine de titres en 1919, le catalogue Nathan comptera près de 300 titres en 1939. De nombreuses séries voient le jour : Georgie, Bêtes et enfants, Josette, Histoires de Mère Nanette et des collections majeures se développent dont les célèbres Contes et Légendes.

Pierre Nathan a été l’un des premiers éditeurs à introduire la couleur dans les livres de littérature jeunesse. Persuadé de l’attrait et de l’intérêt de l’image, complément indispensable du texte, il a pressenti l’importance que la pédagogie moderne accorde à l’illustration. Il a créé, dans cet esprit, de nombreuses collections, allant des albums pour les petits aux livres d’aventure et même aux romans d’anticipation.

Livres et manuels scolaires Nathan : la grammaire et la récitation

Les grands auteurs scolaires

Pendant que son fils multiplie ses activités d’éditeur, participant aux travaux du Syndicat des Editeurs et se consacrant aux expositions du livre français à l’étranger, Fernand Nathan s’occupe du département classique et notamment des livres scolaires.

C’est alors que des auteurs nouveaux s’attachent aux Editions Nathan et y trouvent un succès jusque là jamais vu : Jolly et Souché pour la grammaire, Lebossé et Hémery pour les mathématiques, Rat en littérature pour le secondaire, Cessac et Tréherne pour la physique.

Illustration des revues pédagogiques illustrées Nathan
Illustration des revues pédagogiques illustrées Nathan
Illustration des revues pédagogiques illustrées Nathan

Les revues pédagogiques illustrées

Dès son entrée aux Editions Fernand Nathan, Pierre Nathan se consacre aux revues pédagogiques, dans lesquelles il voit à la fois un instrument de formation des enseignants et un lien vivant entre ceux-ci et les auteurs d’ouvrages didactiques. Il donne une impulsion au « Journal des Instituteurs et des Institutrices » et crée « Le Brevet Elémentaire », devenu en 1925 « Le Brevet », qui cèdera la place en 1938 à la « Revue de l’Enseignement du Second Degré », avant l’apparition de la « Nouvelle Revue Pédagogique »

En 1933, il adaptera également le principe d’inclusion de l’image dans le domaine scolaire en lançant "La Documentation scolaire par l'image", une revue qui fait de l'observation, la base même des leçons. Ces publications sont à l'époque un symbole fort de l'innovation Nathan au service des enseignants.

« La Documentation propose toute l’illustration du programme de l’enseignement primaire en planches détachables . Les objectifs et l’esprit de la nouvelle publication sont clairement définis. Ils resteront la règle d’or : venir en aide aux éducateurs, constituer des collections destinées à chacun des cours, diversifier les documents choisis avec la plus grande rigueur, proposer des textes apportant au maître tous les renseignements dont il pourra tirer parti. »

Betty Schimpff – Directrice de la revue « La Documentation par l’image » - 1989

La seconde guerre mondiale et l’occupation

Pendant la seconde guerre mondiale, Pierre et Fernand Nathan, persécutés par les nazis, tentent dans un premier temps de faire survivre la maison d'édition. Mais très vite les autorités d'occupation s'acharnent sur l'entreprise et lui imposent un administrateur. C'est grâce à un mouvement de solidarité exemplaire au sein de la profession que la maison va survivre à la guerre.

Pour sauvegarder la Maison Nathan, un groupe d'éditeurs parisiens, conduit par André Gillon des Editions Larousse, conçoit un stratagème exemplaire et courageux.

Ce groupe reprend les Editions Nathan et les administre pendant la période d'occupation. Ils rendront l'entreprise à Fernand et Pierre Nathan le jour de la libération de Paris. Le courage de ce groupe et l'implication totale de chacun des salariés Nathan pendant la guerre ont ainsi permis de sauver la Maison.

 
Journal des instituteurs et des institutrices

Sauvé par un instituteur !

Contraint de fuir Paris sous l’Occupation, Pierre Nathan trouva en zone dite « libre » un abri momentané. Il lui plaisait de rappeler à ce propos une anecdote émouvante.

Alors qu’il cherchait un « passeur » pour franchir la ligne de démarcation, il aperçut dans un café, un exemplaire du « Journal des Instituteurs ». En apprenant que l’établissement était tenu par la femme de l‘instituteur du village, il n’hésita pas à se faire reconnaître et ce fut l’instituteur lui-même qui tint à l’honneur de lui faire franchir la ligne de démarcation, lui sauvant la vie au risque de la sienne.

Cette anecdote montre en quelle estime les maîtres français tenaient l’action pédagogique des Editions Nathan.

 

La Maison Nathan a réussi à éviter l’aryanisation pendant la seconde guerre mondiale. Les archives ont été sauvées par Souché, la Maison a été gardée par deux employés, Madame Prêtre et Monsieur Breton et le fonds préservé avec l’aide des Editions Larousse. Les valeurs de la Maison sont restées intactes et, en 1945, elle est de nouveau incarnée par la famille Nathan.